Blenheim, ou à la recherche d’un boulot dans l’Ile Sud

Une fois déposés en ville par Othman, nous avons déjeuné et nous sommes allés nous renseigner au isite pour savoir où trouver la bibliothèque (pour un accès internet gratuit, même si limité) ainsi que pour connaître d’éventuels bons plans emplois. Nous avons obtenu une adresse d’agence d’emploi saisonnier et nous y sommes rendus.

Sur place, il s’agissait en fait d’une agence dédiée aux vignobles, très nombreux dans cette région du Malborough, l’une des plus ensoleillées du pays. La femme nous a demandé si nous possédions un véhicule et n’en ayant pas, cela a réduit très largement son nombre de propositions à nous faire. Elle nous a toutefois fourni un numéro de portable et un nom, nous disant qu’éventuellement cela pourrait convenir mais que l’offre ne serait pas valable avant 5 jours, un peu trop loin pour nous.

Nous déciderons alors de nous rendre à la bibliothèque, éplucher les offres d’emploi sur différents sites internet. La technique quand on a que 30 minutes d’accès ? Faire une brève très rapide sur le blog et charger un maximum de pages sans même les lire, les prendre en photo et faire de nouvelles recherches. Je suis ainsi arrivée à une bonne vingtaine d’offres rien que sur Blenheim, une fois les doublons effacés… Il ne restait plus qu’à faire notre choix pour les contacter, sachant que presque tous concernaient le travail post-cueillette dans les vignobles.

Nous avons envoyé un texto à une offre d’un backpacker, lui demandant s’il recherchait toujours des travailleurs pour les vignobles. La réponse fut positive, accompagnée de l’adresse de l’hébergement. Nous nous y sommes donc rendus en cette fin d’après-midi, remontant toute la ville jusqu’à l’entrée. Nous serons reçu par un asiatique, parlant très très mal l’anglais, dans un minuscule petit bureau. Il nous expliquera qu’il dispose de 2 types de boulot :
– celui de l’annonce dans les vignobles mais que ce n’est pas très adapté pour les filles car très physique, que cela n’est qu’en extérieur évidemment donc très dépendant du temps et que c’est payé au rendement
– un job facile en usine, de nuit, à ouvrir des moules et payé au salaire minimum.

Avant de prendre une décision, nous appellerons notre ancien compagnon de wwoof, Simon, qui était déjà à Blenheim depuis quelques semaines, à bosser dans un vignoble. Nous lui demanderons des précisions sur ce qu’il gagne, la difficulté des tâches à accomplir, le prix de son hébergement… Il nous confirmera que le boulot n’est pas aisé pour les mecs, que les filles ont quelque chose de plus technique à faire et moins dur mais pas bien marrant non plus et dépendant de la vitesse d’exécution des mecs, que c’est payé au lance pierres et que son hébergement propose le même genre de tarif à la semaine. Jannick ira également causer à des personnes dehors dans la cour du backpacker (des français) concernant le boulot qu’ils font à l’usine. Ils nous confirmeront que c’est très facile et que cela paye pas trop mal. Notre choix est fait… ce sera les moules !

Nous retournerons voir le gérant en lui disant que son offre pour l’usine nous intéresse et que nous allons donc rester dans son backpacker, Peace Haven. Il nous dira que nous rencontrerons le manager le soir même pour qu’il nous explique le fonctionnement, nous fasse remplir des formulaires et signer un engagement nous obligeant à rester dans ce backpacker le temps où nous travaillons dans l’usine puisque c’est lui qui nous a trouvé le job. Nous payerons donc pour une semaine pour une chambre double (au même prix que les lits en dortoir) et irons nous installer puis faire quelques courses en centre-ville, attendant le rendez-vous avec le manager à 19h.

Celui-ci sera un peu en retard mais il nous conviera dans le petit bureau, nous expliquera qu’il est le fils du gérant (dans un bien meilleur anglais) et a des contacts depuis de nombreuses années avec l’usine et donc des rapports privilégiés. Il nous fera remplir des dossiers de candidature pour l’usine et signer le fameux contrat entre nous et le backpacker. Celui-ci est d’ailleurs un peu plus compliqué qu’un simple accord nous demandant de rester là le temps de notre contrat. Il s’agit en effet d’un dépôt de garantie de 200$ chacun, que l’on retrouvera à condition de faire 6 semaines dans l’usine. Nous le signerons malgré tout, se disant que 6 semaines ce n’est pas si énorme, et le gérant nous ayant dit de toute façon que l’usine de moules allait fermer d’ici environ 3-4 semaines, nous libérant de cet engagement.

Le lendemain matin, nous serons convoqués à 10h à l’usine Talley’s se situant à environ 7kms de là. Il nous faudra verser la caution au moment du départ au gérant, bien que n’ayant encore rien signé avec l’usine. Il nous assurera qu’en nous rendant là-bas, ce n’est pas vraiment un entretien que l’on aura mais directement le job, en raison de ses bonnes relations avec l’usine. Nous accepterons et partirons avec deux Malaisiennes arrivées la veille comme nous, dans une espèce de minibus prêté par le gérant à condition que nous remettions de l’essence dedans à notre retour (les fois suivantes nous aurons à payer 2$ chacun et payer l’essence). Une fois sur place nous serons reçus par le vrai manager, nous expliquant que le travail se fait de 18h à 3h du matin, qu’il s’agit juste d’ouvrir des moules en étant payés au salaire minimum et qu’il peut nous garantir un maximum de 3 semaines de travail après quoi la production de moules sera stoppée pour l’hiver. Il nous informera également que pour ce premier soir, Jannick et moi allons être dans un autre département, celui des pommes, car ils ont une commande annuelle de McDonald à achever pour la nuit et qu’ils manquent de monde. Nous signerons nos contrats, donnerons nos numéros IRD et comptes en banque, recevrons un tas de paperasse sur les règles d’hygiène, l’assurance en cas d’accident, les positions à tenir et les étirements correspondants… En ce 31 Mai, nous voilà engagés pour a priori 3 semaines dans un boulot qui commence le soir même ! Nous aurons le droit à une visite rapide de la laundry où nous arriverons chaque soir, nous aurons le droit à nos bottes et casques nominatifs ainsi qu’à certaines dernières recommandations déjà expliquées dans la pile de paperasse remise. A notre retour, nous informerons le gérant que l’usine ne peut nous garantir que 3 semaines d’emploi et il nous confirmera donc qu’une fois ces semaines effectuées nous récupérerons nos 400$.

Nous nous renseignerons pour des voitures de location afin d’avoir un moyen de nous rendre au boulot dès le soir même, n’étant pas motivés à payer le gérant pour sa vieille camionnette qui ne nous inspirait pas très confiance, surtout si l’on avait à faire la route de nuit… Les tarifs annoncés n’étant pas franchement intéressants, même en faisant du covoiturage à 4, nous nous reporterons sur l’option proposée par les Malaisiennes : un covoiturage avec quelqu’un de la ville, demandant 1$ par jour. Finalement, au dernier moment nous trouverons quelqu’un dans le backpacker ayant un van et pouvant nous y emmener gratuitement. Il s’agira de Mathieu, un français qui nous proposera d’ailleurs de faire ça pour nous tout le temps de notre contrat. Nous lui paierons tout au long de notre séjour quelques bières et quelques courses en échange de ce service rendu.

A notre arrivée le soir, nous avons scanné notre carte d’accès calculant nos heures de travail, récupéré notre blouse, notre casque antibruit, notre filet pour la tête (et la barbe pour Jannick), nos bottes et avons été emmenés dans la salle de production. Nous avons du rajouter des manchettes, deux paires de gants, un tablier en plastique…bref un super attirail !
Mon travail consistait à regarder un tapis roulant, avec une coréenne en face de moi (jusqu’à ce qu’elle disparaisse et me laisse tout gérer seule), sur lequel circulaient plein de tranches de pommes. Regarder, ce n’était que la 1ère étape, ensuite il fallait trier sur les 3-4m de largeur que j’avais et 2m de profondeur afin de retirer toutes celles sur lesquelles il restait de la peau, celles qui avaient brunies et les quelques rares sur lesquelles il restait un bout d’étiquette. Le tapis avançait à une vitesse assez importante, nous laissant à peine le temps de relever tout ça et me donnant un sacré tourni ayant à plus d’une reprise eu l’impression que c’était moi qui était sur un tapis roulant et que les pommes étaient immobiles, provoquant par la même occasion des vertiges. Au passage, étant à environ 5 mètres de la salle où les pommes étaient congelées, j’avais le droit à toutes les vapeurs de gel et mes mains au bout d’environ 1h commençaient à ne plus réussir à saisir quoique ce soit, devenaient douloureuses…
Jannick lui était avec des garçons, à vider des tonneaux énormes de pommes qui arrivaient ensuite sur mon tapis. Il lui fallait vider ces tonneaux à l’aide d’un seau à faire plonger à une cadence assez soutenue. Bilan, il se retrouvait les manches complètement trempées et le dos en compote (sans mauvais jeu de mot…).
Nous avions des pauses grossièrement toutes les 1h30, pendant 15-20 minutes. Les 1ères ont été reposantes, les suivantes ne l’étaient plus assez et ne laissaient même pas suffisamment de temps à mes doigts pour se réchauffer, ces derniers restant bleu/violet. Heureusement à 1h du matin, nous avions fini tout cela, n’ayant plus de pommes ! Nous devions alors bouger vers les moules mais pas de place pour nous là-bas n’étant prévus que pour le lendemain…
Nous repartirons alors à pied (notre chauffeur étant aux moules et terminant qu’environ 2h plus tard), complètement dans le noir, sans rien de bien voyant sur nous non plus. Nous avons été pourtant chanceux car environ un quart d’heure de marche plus tard, une voiture allant dans notre direction s’est arrêtée. Il s’agissait d’un homme ayant fini sa journée chez Talley’s, l’homme qui nous livrait les camions de tonneaux de pommes… Il nous déposera devant notre backpacker et nous pourrons nous endormir, exténués de cette journée sans fin et de notre session de pommes, espérant que les moules seront bien moins fatigantes…

Les jours suivants furent bien plus simples, car oui ouvrir des moules (les fameuses grosses vertes de la région, qui n’ont rien à voir avec nos moules riquiqui françaises) ce n’est pas bien compliqué. Ok ça demande un peu de technique si on veut aller vite et n’en abimer aucune, mais là, pour le peu de semaines qu’on avait à faire et n’étant pas payés à la quantité, cela n’avait pas une importance cruciale. Nous avons donc passé nos nuits (jusqu’à 3h ou un peu plus tôt en fin de semaine quand il n’y avait plus de stock) à prendre des moules sur un tapis roulant, à ouvrir des moules, en rejetant dans une bassine la coquille et la barbe de la moule tandis que dans l’autre bassine l’on mettait la moule sur la coquille ou la moule toute seule quand on l’avait abimé…
L’ambiance sera bonne durant les 2 semaines (y compris au backpacker, via une certaine solidarité pour ceux partageant le même boulot, avec des cours de cuisine asiatiques, une soirée dans une espèce de club-bar…), avec des blagues que seuls les ouvreurs de moules auraient trouvé drôles et je vous épargnerai donc le sujet. J’ai fini les 3 derniers jours seuls, Jannick ayant décrété qu’il n’irait plus bosser à compter de cette semaine là, n’en pouvant plus physiquement et mentalement, m’informant de sa décision quelques heures avant le boulot… et par chance donc, la production de moules s’arrêtera plus tôt que prévu et nous serons donc informés le lundi qu’il ne nous restera que 2 jours de travail. Nos contrats terminés, nous n’avions donc plus qu’à reprendre la route après avoir réclamé notre caution… et là c’est une autre histoire !

Le lundi, Jannick ne bossant plus, il a été se renseigner auprès du gérant du backpacker concernant sa caution, pour savoir si en cas de démission il pouvait la récupérer, ce à quoi le gérant lui a dit que la seule façon de récupérer son argent c’était de faire 6 semaines de boulot, qu’aucune exception n’était tolérée (pas même la fermeture de l’usine de moules comme initialement convenu…puisqu’il avait un accord avec l’usine qui devait fournir du boulot pour une durée de 6 semaines à chacune des personnes dans son backpacker, en les bougeant de postes dans l’usine). Jannick était évidemment remonté mais n’en a rien laissé paraître puisque je l’avais prévenu que je voulais gérer cette histoire de toute façon au moment de notre départ.
Le mardi, je me suis levée en fin de matinée, souhaitant anticiper notre départ en me renseignant sur les moyens de pression à utiliser contre notre gérant de backpacker en cas de refus de sa part pour nous rendre la caution. Je me suis donc rendue au commissariat où une très gentille policière m’a dit que malheureusement, si j’avais signé un papier cela pouvait être considéré comme un contrat et qu’elle ne pouvait intervenir, ou que cela prendrait trop longtemps pour que cela me soit utile. Elle m’a toutefois orienté vers un cabinet de conseils juridiques gratuit où je pourrais être reçue par un avocat/conseiller. Par chance, un rendez-vous venait de s’annuler et j’ai donc pu bénéficier des conseils d’une dame, me demandant une trace de ce contrat sans lequel elle ne pouvait pas faire grand-chose pour savoir s’il était vraiment légal ou non. Elle me donna toutefois quelques bons conseils et je suis donc retournée au backpacker, réclamant au gérant une copie de ce papier. Il me demandera pourquoi faire mais ne rechignera pas trop et finira par me le donner. Je le relirai, le taperai à l’ordi et l’enverrai par mail à mon avocate, n’ayant pas le temps de retourner la voir avant de partir au boulot…

Le mercredi matin à 9h, après uniquement quelques heures de sommeil pour moi (étant rentrée aux alentours de 4h), je me suis pointée dans le bureau du gérant pour faire le check-out, celui-ci devant être fait avant 10h… Je l’ai informé que nous souhaitions rendre la chambre (celle-ci étant payée à la semaine jusqu’au mardi soir) et récupérer notre caution puisque le travail à l’usine de moules était terminé. Refus catégorique. Il me dira que j’ai signé un engagement de 6 semaines et que de toute façon le mercredi soir l’usine de moules tourne encore et que le temps que je travaille là-bas je dois dormir chez lui. Pour le coup, je comptais aller bosser le soir même mais revenir en douce et dormir dans le van de Mathieu pour ma nuit, n’ayant pas vraiment envie de payer pour une nuit de 4h à 10h (heure du check-out, je vous le rappelle, passée laquelle il facture une nouvelle nuit). Je lui dirai que lui m’avait dit qu’une fois que les moules seraient terminées, je pourrai récupérer la caution et ne plus avoir d’engagement à tenir. Il me dira que non, que c’est 6 semaines pour tout le monde, mais me proposera alors d’éventuellement faire quelque chose si je dors une nuit de plus… Je quitterai son bureau, irai exposer les 10-15 minutes de discussion à Jannick et la proposition qui venait de m’être faite. Jannick ayant décrété qu’il ne verserait plus un sous à ce coréen arnaqueur, proposera une alternative astucieuse : lui dire que l’on a plus de sous pour payer la nuit et que par conséquent, c’est de l’argent à retirer de notre caution qu’il devra nous rendre le lendemain, auquel cas on ne serait pas perdant (s’il nous la rend, tout est parfait – s’il nous arnaque et refuse de nous la rendre, on aura perdu un peu moins de sous puisqu’on aura passé une nuit supplémentaire chez lui, sans payer en quelque sorte…). J’y retournerai, expliquerai au coréen la chose, il argumentera un peu me demandant pourquoi je n’ai plus d’argent alors que je travaille, ce à quoi je lui répondrai qu’on ne touche la paye que le mercredi soir à minuit (chose exacte) et il acceptera donc. Je retournerai me coucher avant d’aller bosser pour la dernière fois et Jannick pourra profiter de la chambre tranquillement pour le reste de sa journée/nuit. La dernière nuit de boulot sera aussi longue que les précédentes, terminant que vers 3h, mais sera bien détendue avec batailles d’eau et autres. En rentrant, je me coucherai, prête à affronter le coréen le lendemain matin…

Réveil matinal à nouveau, avec cette fois aucune chance de rester davantage mais peut être celle de récupérer notre caution de 400$… Je me rappellerai mes cours d’international management et autres sur les différences culturelles (merci Nani pour m’avoir rappelé cela parce que pour le coup, je partais plutôt dans l’optique négociation têtue) et me rendrai dans son bureau lui annonçant que ça y est, mon contrat est terminé et que donc, comme il me l’avait dit (et comme je l’avais enregistré la veille sur mon portable, en partie, histoire d’avoir un moyen de pression), je viens récupérer ma caution, qu’il n’a qu’à vérifier qu’effectivement je n’ai pas resigné pour quoique ce soit d’autre, malgré l’appel du manager de l’usine nous proposant de couper des choux-fleurs. Il me dira qu’il doit effectivement vérifier, que normalement c’est 6 semaines, qu’il s’est déjà fait roulé… Et je dirai que je comprends son point de vue, mais que moi je lui faisais confiance, qu’il avait dit quelque chose de différent quand on était revenus de l’entretien et blablabla pendant 20 minutes avant qu’il ne se décide à me dire de sortir pour passer un coup de fil et qu’il me rappellera. Je repartirai dans la cour où Jannick m’attendait ainsi que notre amie Nani venue nous dire au revoir. Elle me demandera comment ça se passe, si on l’avait enfin récupéré, j’expliquerai le tout et nous attendrons patiemment pendant une bonne grosse dizaine de minutes avant qu’il me dise de venir et me sorte des liasses de billets ! Victoire ! Il en retirera la nuit passée comme prévue et y ajoutera nos 30$ de caution pour la vaisselle (que nous n’avions pas payé en réalité, c’est toujours ça de gagné !).
Nos contrats terminés, notre engagement envers le backpacker ne tenant plus, nos 400$ de retour alors que nous avions presque tiré un trait dessus, nous nous sentirons bien mieux et reprendrons la route espérant de meilleures aventures pensant nous rendre vers Nelson, et finalement partant vers Kaikoura, à l’opposé….

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Un commentaire pour Blenheim, ou à la recherche d’un boulot dans l’Ile Sud

  1. Eh bien quelle histoire !!!! J’ai eu peur, à la lecture de l’article, que les 400$ vous passent définitivement sous le nez !! Et ça fait une somme !! Contente que tout se soit arrangé, finalement…

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